France Musique
Petite divagation sur la musique du duo Iana, par Anne Montaron
Si le piano était un oiseau, et son couvercle cette aile noire si joliment évoquée par le romancier Alberto Savinio, le duo Iana pourrait être la rencontre de deux oiseaux envoyés par le Dieu Janus, ou par Jana, la déesse des passages. Deux oiseaux, à qui les dieux auraient confié leur secret, celui de rendre imperceptibles les passages et de maintenir ouvertes les portes qui voudraient séparer deux mondes, d’un côté la musique qui s‘improvise dans le moment, et de l’autre une musique savamment élaborée. Iana pourrait être ce Bosphore sonore, cet endroit, où deux sensibilités viennent se trouver, s’unir, fusionner, comme fusionnent dans les eaux du Bosphore la Mer Noire et la Mer de Marmara. Deux pianos qui n’en font plus qu’un ! Et imperceptiblement, après Janus et le Bosphore, une autre image surgit ; celle de deux femmes dans un village Inuit, faisant résonner, par simple jeu, leurs voix dans la bouche l’une de l’autre, jusqu’à ce que ces deux voix ne soient plus qu’une seule. C’est à cette magie-là que Christine Wodrascka et Betty Hovette nous convient derrière leurs pianos disposés tête-bêche. Entre les deux ailes noires, juste un interstice, un fin détroit, sorte de Bosphore, lieu de libre circulation, où la musique s’enrichirait des passages, et n’aurait ni commencement, ni fin !Anne Montaron, émission A l’Improviste, FRANCE MUSIQUE, mai 2018
Revue de presse – Iana – A l’Improviste – France Musique – 24 mai 2018